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Anticapitalisme
31 août 2008

Métapolitique - Révolte contre le spectacle

Métapolitique - Révolte contre le spectacle marchand de l’indifférence

par Georges Feltin-Tracol 


Critique de la société de l’indistinction n’est pas à lire allongé sur une plage bondée avec le pitoyable désir de bronzer parce qu’une pareille attitude de passivité acceptée, voulue même, insulterait ses auteurs et parce que cet ouvrage à la lecture ardue compte maintes idées décapantes et de nombreux commentaires explosifs : c’est une Enola Gay à l’égard des certitudes bien-pensantes du médiacosme intellocratique parasitaire dominant.

Rédigé par un collectif appelé L’Internationale dont les membres veulent rester anonymes, car récusant le « quart d’heure de célébrité » warholien, Critique de la société de l’indistinction s’appuie sur Marx, Bakounine, Debord, et condamne la course effrénée du monde vers sa réification, sa sujétion à la rationalité marchande actuelle. L’essai dénonce avec une vigueur roborative « l’indistinction [qui] est l’autre nom de l’aliénation : l’équivalent général abstrait de toutes les marchandisations de l’être ». Ce processus se réalise par l’arasement de toutes les traditions, l’effacement des liens sociaux, la perte de la convivialité locale, l’occultation des mémoires populaires. Un raz-de-marée d’indifférence déferle alors sur les communautés humaines et les engloutit progressivement. Il en résulte que « véhicule spectaculaire du fétichisme de la marchandise, la généralisation de l’indistinction est une révolution aliénatoire destinée à modifier le comportement des êtres humains de telle sorte que l’être de leur perception perde toute perception de leur être, dans une massification croissante de soumission ignorante à l’abstraction du temps-argent ». Une nouvelle tyrannie s’affirme qui rend l’homme proprement unidimensionnel. Dorénavant, « le mouvement de libération sans fin des individus par la marche en avant modernisatrice du marché qui sépare sans cesse ceux-ci des relations de distinctions traditionnelles, conduit naturellement à la pire des inféodations et oppressions : celle de la modernité autorégulée des indistinctions du despotisme marchand ».

Le temps de l’indistinction

Le présent Système entreprend l’éradication de toutes les différences, obstacle majeur à l’uniformisation globale. L’Internationale remarque que « toute l’activité idéologique de production de l’indistinct débouche sur une in-caractérisation universelle où la dictature marchande du “ même ” - en tant qu’équivalent général de l’impuissance unitaire -, transmute fantastiquement la totalité de la réalité humaine en réalité totalement inhumaine par l’assujettissement absolu à la spectaculaire liberté autocratique de l’argent ». L’éloge incessant du déracinement n’est donc pas fortuit puisque « la société de l’indistinction contemporaine est celle de l’homme nomadisant sans autre attache que celle du transport permanent de son être dans l’avoir circulant de l’univers sans qualité de la marchandise totalitaire. Hors de toute appartenance, l’homme du spectacle indistinct du paraître moderne ne doit jamais grandir en intensité critique. C’est pourquoi il lui est interdit de devenir un adulte de distinction et de possibilité radicale car il n’a comme droit que de rester ennuyeusement et stupidement “ jeune ” pour l’éternité débilisante et inculte de l’argent divinisé ». Tout incite par conséquent à la régression comportementale des citoyens sommés de devenir des adulescents, victimes consentantes du syndrome généralisé de Peter Pan. Dans le même temps, on responsabilise à l’excès des enfants poussés à participer à ces monstruosités dites « civiques » que sont les conseils municipaux pour jeunes et l’« Assemblée nationale des enfants ».

Ailleurs, l’acide indistinctif s’en prend à la mentalité des peuples, ronge leur ethnicité, corrompt leurs coutumes. L’agression est simultanée et parallèle. « À mi-chemin d’une hétérosexualité toujours plus dévalorisée et d’une homosexualité toujours plus louangée, le spectacle de l’indistinction a balisé sa norme de mixité indifférenciante en une représentation schizophrénique où la femme doit de plus en plus sembler être un homme pendant que l’homme doit, lui, de plus en plus ressembler à une femme. » Faut-il après s’étonner que des Européennes aillent à la recherche de la virilité perdue de leurs compagnons en des terres exotiques et tropicales ? L’extrême féminisme de mégères ménopausées minoritaires porte une très lourde responsabilité dans le déclin du mâle européen. On retrouve les mêmes mécanismes d’étiolement de la diversité ethnique quand, « à mi-chemin d’une européanité toujours plus dépréciée et d’une africanité toujours plus adulée, le spectacle de l’indistinction a balisé sa norme de multiculturalité indifférenciante en une représentation schizophrénique où l’Européen doit de plus en plus se culpabiliser à mesure que l’Africain doit, lui, de plus en plus se victimiser ». Terrible est le constat : « tout ce qui déploie et dimensionne l’histoire actuelle est actualisation de l’indistinct en une figure fétichiste universelle où il n’y a plus d’hommes, plus de femmes, plus de Blancs, plus de Noirs, plus de sexes, plus de morale, plus de frontières, plus de nations, plus de beau, plus de laid, plus de sacré, plus de profane, plus de pur ni d’impur… bref, plus rien d’autre que des êtres humains marchandisés, indistincts, indifférenciés et interchangeables… en un grand aveuglement multiculturel gratuit, laïc et obligatoire ».

Par conséquent, « le droit à l’exclusivité dont bénéficie historiquement l’indistinction s’incarne à l’infini dans les faux débats politiques et sociaux sous la forme idéologico-policière du dogme de l’anti-racisme, forme superlative de la lutte anti-discrimination laquelle permet de mener à bien la disqualification et l’élimination de toute question réellement politique ou sociale, par le biais du processus qui voit toute interrogation possible sur le sens être dès lors - par censure ou par travestissement - automatiquement métamorphosée en apologétique spectaculaire de l’indistinct ». Ce n’est pas accidentel si le rejet des discriminations devient le cœur des dispositifs législatifs et judiciaires ; il importe de saper toute résistance potentielle au déferlement marchand. De cette façon, « l’idéologie anti-raciste est […] le délire réalisé de l’indistinction qui entend désormais faire disparaître toutes les traces de lieux d’européanité critique afin que plus jamais n’apparaissent des tentatives ressemblant aux grandes révoltes subversives des paysans et des ouvriers d’Europe contre l’argent ».

La forfaiture politico-syndicale

Les flux migratoires extra-européens entaillent, corrodent, amoindrissent, neutralisent la conscience revendicative des travailleurs européens. « Ainsi et à partir de l’immigration s’opère la dés-européisation démographique et culturelle du salariat qui perd ainsi de plus en plus ses derniers repères de lutte anti-marchande pour ressembler concomitamment et de plus belle à un simple partenaire social de la mondialisation de l’échange. » Les immigrés représentent une nouvelle armée industrielle de réserve qui entraîne à une baisse significative les rémunérations des actifs autochtones. À cette pesanteur salariale s’ajoutent les ravages du libre-échange et la quasi-disparition des barrières douanières. Que les Européens ne se surprennent donc pas de voir diminuer leur niveau de vie !

L’asphyxie du mouvement ouvrier et paysan est aussi due à la trahison des organisations syndicales. « Après avoir été digérées par les mirages réformistes de l’amélioration salariale, les premières luttes syndicales ont vu progressivement la radicalité ouvrière se heurter à un syndicalisme désormais totalement intégré au spectacle capitaliste de l’État. Aujourd’hui, police de la marchandise dans les usines de l’indistinction aliénatoire, les syndicats et leurs bureaucraties dirigeantes n’ont pour seul objet que de désamorcer, démoraliser et diviser toute tendance critique qui remettrait en cause la loi de la valeur. » La défection des syndicats dits représentatifs rejaillit dans la sphère politicienne avec le double jeu scandaleux de la Gauche et de l’Extrême Gauche du Capital. N’est-il pas indécent que de soi-disant socialistes français dirigent l’O.M.C. et le F.M.I. ? Et que dire de tous ces anciens soixante-huitards ralliés à l’atlantisme, au libéralisme et au mondialisme les plus odieux ?

Sentant monter l’exaspération des peuples, la société de l’indistinction fomente de fausses idoles, des boursouflures médiatiques pseudo-revendicatrices, à l’instar de ce facteur dans une banlieue cossue de Paris, porte-parole d’un parti soi-disant anti-capitaliste (la belle rigolade !), qui n’hésite pas à payer de sa personne en acceptant l’invitation d’émissions de divertissement télévisées dominicales. N’oublions jamais que « les trotsko-altermondialistes en tant qu’adeptes forcenés de la vénération des “ sans-papiers ” composent l’avant-garde de la mondialisation marchande en ce sens qu’ils sont les fourriers hystériques du processus par lequel - à partir d’une inepte fabulation, déguisée de trompeurs “ bons sentiments ” indistincts - la classe capitaliste pose et impose sa logique de transfert et de substitution de population de façon que le vieux salariat européen critique soit remplacé par un peuplement allogène et historiquement immature dont le seul horizon sera la boulimie marchande ». Gauchistes débiles, anar pathétiques, autonomes sans cervelle et autres défenseurs imbéciles des « sans-quelque chose » servent de fidèles chiens de garde au Système. La guerre qu’ils mènent contre l’esprit européen leur donne une simili-contenance intellectuelle à leur délirante démarche destructrice si bien que « les catégories spectaculaires de l’idéologie anti-raciste ne s’adressent plus seulement et banalement aux simples questions d’ethnie ou de pigmentation de la peau puisqu’elles se sont précisément étendues et épanouies vers quasiment toutes les caractérisations de l’existence ainsi passées au tamis de l’indistinction marchande : du sexe à l’âge en passant par les pratiques sexuelles et alimentaires et tutti quanti ».

Partis et syndicats s’intègrent aujourd’hui aux rouages oligarchiques. Pouvoirs institutionnels et contestation officielle procèdent de la même origine anti-populaire, d’autant que « depuis la révolution capitaliste des mœurs qui découle des balivernes, fourberies et fadaises de 1968, la marchandise a proclamé qu’il était interdit d’interdire ce qui libérait son échangisme universel des entraves du passé puisque la dictature démocratique du marché devait censurer désormais tout ce qui oserait condamner les dogmes de la perversion de l’argent ».

L’État soixante-huitard, fourrier du terrorisme

Comment l’État libéral-libertaire agit-il pour briser les réticences légitimes du peuple ? Il use de diverses méthodes. Reprenant une thèse déjà avancée par Éric Werner, L’Internationale accuse la « Nouvelle Classe » d’encourager en sous-main la voyoucratie des banlieues, car « les banquiers cultivés et courtois qui circulent au sommet de l’État et les caïds analphabètes et vulgaires qui rôdent au pied des “ cités ” ont ceci de commun qu’ils sont tous des professionnels de l’appropriation ». Cette similitude explique que « toutes les fractions capitalistes contemporaines s’emploient depuis des années à protéger et excuser les délinquances exotiques tout en finançant et mettant partout en scène l’abêtissement spectaculaire de millions d’adolescents par le biais de styles “ musicaux ” dont l’indistinction n’a pour résultat que le décervelage massif et l’absence totale de tout sens critique ». La liquidation d’un enseignement de qualité, élitiste pour les meilleurs enfants du peuple, relève de la même intention génocidaire.

L’État oligarchique favorise aussi le terrorisme. Loin d’être « un ensemble factuel d’attentats, c’est un rapport social dynamique d’hébétude, de manipulations et de soumission des spectateurs mondiaux qui permet au spectacle d’indistinction de la marchandise de se perpétuer comme inversion chaotique du réel ». En clair, « le but du spectacle terroriste de l’indistinction est de faire croire aux populations qui supportent de moins en moins l’État, ses factions et ses bandes qu’elles ont quand même un ennemi en commun avec cet État », d’où l’organisation de vastes « campagnes de terreur ». Par exemple, « c’est désormais un secret de polichinelle de reconnaître que, des bombes de la piazza Fontana à l’enlèvement de Moro, la “ stratégie de la tension ” et les “ années de plomb ” qui rythmèrent […] la chronologie tragique de la péninsule italienne n’ont pas été autre chose que le champ d’expérimentation spectaculaire le plus poussé des techniques policières de l’intoxication indistinguante la plus moderne ». Le chercheur suisse Daniele Ganser confirme ce diagnostic et l’explique dans son livre passionnant sur Les armées secrètes de l’O.T.A.N. (1). Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’ancêtre de la C.I.A. et le M.I.6 britannique suscitèrent dans toute l’Europe occidentale, y compris dans les États neutres, des réseaux clandestins de renseignement, de sabotage et de guérilla contre l’Armée rouge en cas d’invasion soviétique. Dans certains pays tels que le Belgique, l’Italie, la Grèce et la Turquie, ces forces secrètes s’orientèrent ensuite dans la limitation et la réduction de l’influence et de l’audience intérieures des P.C. locaux. Pour les auteurs qui rappellent quelques-unes de ces manipulations, « le terrorisme n’est pas un cauchemar irrationnel d’horreur spectaculaire sur-ajouté à la réalité démocratique, il constitue le centre réel de la rationalité du spectacle démocratique lui-même ». La violence peut donc se concevoir comme un complément à des intrigues politico-médiatiques (voir l’affaire Clearstream), à des décès suspects (Jean-Luc Lagardère) ou à des manœuvres de désinformation (Timisoara).

Par delà certaines officines liées à l’O.T.A.N., la responsabilité du terrorisme de masse repose principalement sur les États-Unis d’Amérique. Désireux de maintenir leur suprématie mondiale, ils soutiennent « une libanisation de la planète dont le mouvement d’indistinction ne peut se produire et se reproduire qu’à travers une inféodation de l’Europe et une rétrogradation des espaces arabo-orientaux, le tout gangrené par l’affairisme transnational et le crime organisé puisque la mondialisation du spectacle le plus récent présuppose l’explosion et la fragmentation de toutes les souverainetés territoriales anciennes ». Il ne fait aucun doute que par ses actions souterraines, Washington nuit et déstabilise les États européens. « Le spectacle de l’indistinction n’a cessé […] de favoriser, des terres de Bosnie à celles du Kosovo, l’islamisation de l’Europe et d’y encourager partout l’immigration afro-musulmane afin de faire naître sur ce continent des points de crispation ethniques déstabilisateurs qui ravissent l’ambition américaine de domination. » Les Européens sont donc pris en tenaille entre un islamisme revanchard et « la société multiculturelle qui a donc […] pour objet de diluer et d’invalider la pensée critique de la temporalité réversible dans la pensée anti-critique du temps de la clôture marchande [… et qui] ambitionne que la jeunesse européenne se comporte de plus en plus selon le modèle “ culturel ” des banlieues taguées mentalement et avides de “ look yankee ” et de consommation marchande effrénée ».

Préparer la Résistance

Contre le fétichisme marchand culminant, les auteurs suggèrent une réhabilitation de « la distinction [qui] est appréhension, caractérisation, contraste, démarcation, discernement, discrimination, distance, marque, préférence et prérogative. Et simultanément, elle est aisance, correction, courtoisie, dignité, égard(s), élégance, finesse, honnêteté, mérite et tenue ». Ceux qui lisent et apprécient Christopher Lasch et Jean-Claude Michéa établiront immédiatement un parallèle entre la distinction et ce que Lasch et Michéa, après Orwell, nomment la common decency. Critique de la société de l’indistinction réclame le renversement de la Subversion marchande ! Pour cela, l’ouvrage invite  à « la formation organisée d’un mouvement de la distinction afin de définir des perspectives d’authenticité humaine et de donner un sens vraiment distinct aux réalités sociales pour les sortir du monde chaotique de l’inversion et de l’indistinction ».

Écrit au marteau, si ce n’est au lance-flammes, cet essai radical s’élève avec une intelligente violence contre le spectacle marchand du monde. Certes, L’Internationale se réfère au communisme, mais comme l’écrit si justement Pierre Le Vigan « le communisme comme souci et sens du partage de la chose commune est sans doute à réinventer » (2). Attention ! il ne s’agit pas de ressusciter, d’approuver ou de justifier les entreprises criminelles du Goulag, du Laogaï, des Khmers rouges. Pour que ce « communisme » puisse vraiment s’opposer à l’indistinction, il devrait commencer par se démarxiser et renouer avec ses fondements babouvistes, repenser une communauté politique de citoyens égaux. Ce communisme-là ne serait-il pas au fond que la fine gangue moderne d’une très ancienne aspiration pré-moderne à refonder des communautés de vie organique ? Un fait est sûr : le temps est venu d’associer dans le même combat contre la Marchandise proliférante toutes les fortes volontés rebelles. Qu’elles montent donc aux côtés des Vendéens, des Chouans, des Canuts de Lyon et des Communards à l’assaut du Système abject !

Notes

1 : Daniele Ganser, Les armées secrètes de l’O.T.A.N. Réseaux Stay Behind, Gladio et terrorisme en Europe de l’Ouest, Éditions Demi-Lune, coll. « Résistances », 2007.

2 : Pierre Le Vigan, « Retrouvons un imaginaire politique », Éléments,            n° 129, été 2008.

• L’Internationale, Critique de la société de l’indistinction. Commentaires sur le fétichisme marchand et la dictature démocratique de son spectacle, Éditions Révolutions Sociale, 2007, 194 p., 19 €.

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